DISCUSSION

sur l'ORIGINE HYDROTHERMALE

de CONCRÉTIONS OBSERVÉES

dans une CAVITÉ ARDÉCHOISE

 

(Fabien DARNE - CÉSAME / TRITONS)

 

Cette note reprend de façon un peu plus détaillée celle qui a été présentée lors de la Cinquième Rencontre d'Octobre du Spéléo-Club de Paris qui s'est tenue les 30 septembre et 1, 2 octobre 1995 à Orgnac (Ardèche) et qui est parue dans les Actes de cette rencontre en décembre 1995.

 

1. PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Au cours d'une prospection archéologique du CÉSAME (Centre Éclaireur de Spéléologie et d'Archéologie de Mézelet) à Pentecôte 1995, en vue d'effectuer l'inventaire des dolmens du canton de Vallon-Pont-d'Arc (Ardèche - France), nous visitons plusieurs cavités de la vallée du Baravon, affluent de la rivière Ibie.

Dans l'une d'elle, le concrétionnement est d'une telle ampleur et d'une telle "originalité" que nous évoquons la possibilité d'une cavité hydrothermale, hypothèse discutée lors de la Cinquième Rencontre d'Octobre du Spéléo-Club de Paris et tout à fait plausible aux dires de certains des spécialistes du karst qui étaient présents..

 

2. BREF HISTORIQUE

Située sur la commune de Gras, dans les gorges du Baravon, la cavité que Philippe DROUIN (1993) dénomme sans doute grotte du Baravon n°1 et que pour notre part nous appelons grotte des Maquisards car elle hébergea pendant la résistance des groupes de maquisards de l'Armée secrète - FTPF (marque à l'entrée de la cavité et plaque commémorative au bord de la route) est connue depuis "toujours" comme l'attestent les fouilles préhistoriques menées par Pierre Ollier de Marichard dans les années 60.

La cavité est topographiée ainsi que 4 autres du secteur par le Groupe Ulysse Spéléo (G.U.S.) en avril 1987.

 

3. CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE ET GÉOLOGIQUE

La grotte des Maquisards (X = 769,76 ; Y = 239,54 ; Z = 200 m. Dév. : 22,5 m ; Prof. : +0,2 m ???) s'ouvre plein nord, en rive gauche du ruisseau de l'Écharassou, lui-même affluent rive gauche du Baravon, dans les couches du Barrémo-Bédoulien (Urgonien).

Elle semble formée au contact de la très importante faille verticale orientée N40 et qui est à l'origine de la grotte Antoine COURS (du nom du célèbre prédicateur huguenot qui s'y serait réfugié), vaste porche s'ouvrant juste en face, de l'autre côté du vallon (rive droite du ruisseau).

Philippe DROUIN mentionne également une grotte du Baravon n°3, présentant des cristaux de calcite comme dans la n°1 et en prolongement de celle-ci, sur l'autre rive (même X, même Z, 50 mètres d'écart en Y). Malheureusement nous n'avons pu encore la visiter.

 

4. DESCRIPTION DES SCALÉNOÈDRES DE CALCITE

La cavité se présente sous la forme d'un conduit d'une vingtaine de mètres de long pour 3 à 4 de large et moins de 2 de haut. Dès l'entrée, le sol, les parois, le plafond présentent des sortes de gros mamelons entièrement constitués d'aiguilles de calcite de 10 à 20 cm de long et orientées en bouquet. La cavité est régulièrement pillée mais la profusion du concrétionnement est telle que l'on marche sur un éboulis de cristaux et que les parois brillent encore de leurs mille feux.

N'étant pas du tout compétent dans ce domaine nous sommes allés chercher dans la littérature quelques renseignements sur les cavités et les concrétions hydrothermales :

Richard MAIRE indique dans sa thèse d'état (1990) que :

" Les cavités hydrothermales explorables à l'homme ne sont pas fréquentes. Quand elles existent dans les karsts de montagne, elle résultent du soulèvement qui a porté en altitude des cavités creusées par des eaux chaudes sous conditions phréatiques." (p. 626).

"Dans le milieu endokarstique, les concrétionnements hydrothermaux jouent un rôle ponctuel intéressant car ils témoignent :

- de conditions hydrodynamiques particulières : milieu phréatique, niveau de base proche ;

- d'une tectonique active (extension, fractures ouvertes) que l'on peut tenter de dater (isotopie, TL (thermo-luminescence, NDLR)...).

Il s'agit essentiellement de remplissage filoniens colmatant totalement ou partiellement (géodes) les fractures ouvertes. On peut les retrouver en surface et en profondeur par recoupement karstique." (p. 628).

"Les cristaux de calcite en "dents de cochons" (...) sont parmi les concrétionnements les plus spectaculaires rencontrés dans l'endokarst (...). Si l'on excepte les cristaux de gours et certaines formes de croissance subaérienne, les cristaux prismatique en géode ont une genèse phréatique qui peut être hydrothermale.

- Description : Les cristaux en "dents de cochons", de type rhomboédrique, prennent généralement la forme de scalénoèdres centimétriques (parfois décimétriques). (...) Ils tapissent les parois de géodes et croissent toujours perpendiculairement à celles-ci."

 

Ceci nous amène à formuler ces quelques questions :

La cavité ne serait-elle pas elle-même une géode, peut-être même ne formait-elle qu'une vaste géode avec la grotte n°3 avant que d'être recoupée par le ruisseau ? (Peu probable vue les dimensions, aux dires de certains)

Les concrétions sont-elles hydrothermales ? La seule méthode pour l'affirmer semble être une méthode de géochimie isotopique qui permettrait de détecter des isotopes du carbone formés uniquement en profondeur, malheureusement ce type d'analyses est hors de la portée de la bourse des spéléologues. Mais ce jour-là, comble de bonheur, l'un des spécialistes présents, Dominique GENTY, chargé de recherche au CNRS, dans l'URA 723, (laboratoire d'hydrologie et de géochimie isotopique, Université de Paris Sud), s'est proposé d'en faire l'analyse gratuitement. Nous sommes actuellement dans l'attente des résultats.

 

5. BIBLIOGRAPHIE

P. DROUIN (1993) - Cinq grottes de baravon (Gras et Vallon-Pont-d'Arc, Ardèche) - Méandres n°49, Bull. du Groupe Ulysse Spéléo, Lyon.

R. MAIRE (1990) - La haute montagne calcaire - Karstologia Mémoires n°3, F.F.S, Paris. (pp 625 à 631, Le rôle de l'hydrothermalisme).